L’Ingemann est une vaste région de l’extrême nord-ouest d’Ecridel, constituant avec la Chaîne des Relicanth ce que l’on appelle le Septentrion. Les derniers glaciers des Relicanth, à la limite occidentale de la chaîne, surplombent le Fjord Ferdelance, vallée glaciaire débouchant directement sur l’immensité de l’Ingemann et dans laquelle le peuple Agar a bâti la forteresse de Björnhill. C’est cette vallée qui marque la frontière entre les deux régions.
L’Ingemann proprement dit est connu pour ses gigantesques forêts de conifères poussant dans de grandes plaines couvertes de neiges une grande partie de l’année. On estime que près des quatre cinquièmes de la région sont boisés. Il s’agit donc évidemment d’une source de bois considérables pour les peuples vivant dans les environs, et en particulier les Agars.
Cependant, si l’Ingemann est une région riche, elle n’en est pas moins hostile. Et les dangers qu’elle abrite sont très variés.
L’Ingemann est connu pour regrouper plusieurs villages d’Orcs et de Gobelins, maintenus en dehors des terres impériales elfiques depuis les débuts de l’Ere Antique. Les Orcs du nord sont connus pour être robustes mais aussi relativement calmes. La survie des clans dans cet environnement hostile est une tâche suffisamment prenante pour réduire leurs velléités de destruction. Néanmoins, ils n’hésitent pas lorsque la situation devient critique à tenter de piller les villages elfiques frontaliers dans l’espoir de ramener de la nourriture. Les Gobelins sont plus audacieux : leur fertilité est bien trop forte pour que tous puissent manger à leur faim, aussi est-il d’usage d’envoyer régulièrement des guerriers s’attaquer aux Elfes : s’ils parviennent à piller de quoi survivre, le clan en sort plus fort. S’ils sont massacrés par la milice – ce qui est souvent le cas – le clan est débarrassé de bouches à nourrir.
Ces imposantes créatures sont de plus en plus fréquentes au fur et à mesure que l’on s’approche de l’extrême nord de la région et de la Mer des Glaces. Animal solitaire, l’ours blanc possède un territoire qu’il défend farouchement : il n’attaque jamais les voyageurs pour se nourrir, sauf en période de grande nécessité, mais n’hésitera pas à déchirer impitoyablement de ses larges griffes ceux qu’il trouvera sur les terres qu’il considère siennes. Si l’ours blanc est loin d’être une créature grégaire, il n’est pour autant pas impossible d’en trouver plusieurs. Généralement une mère et ses enfants. Mieux vaut dans ce cas ne pas s’attirer leurs foudres, car ces animaux sont de véritables forces de la nature pesant près d’une tonne.
Contrairement aux ours blancs, les loups de l’Ingemann préfère les régions boisées du sud aux grandes plaines gelées du nord. Ils partagent de nombreux caractères communs avec leurs cousins des vallées des Relicanth. Les principales différences résident dans leur taille plus modeste et dans leur fourrure plus sombre. Leur principal point commun… leur appétit pour les voyageurs égarés.
En l’an 2502 de l’Ere Antique, les forêts de l’Ingemann furent le théâtre de l’un des événements les plus marquants et les plus graves de l’Histoire d’Ecridel. Grâce à de sombres machinations, un Prince Démon de la race des Khörgs nommé Golgorosh parvint à ouvrir un portail qui, de longs jours durant, déversa ses armées sur les terres des mortels. Les démons flamboyants ravagèrent la région, et les armées envoyées à leur rencontre par les Hauts-Elfes et les Nains durent mener une bataille titanesque pour endiguer leur avancée. Cet épisode, particulièrement sanglant, coûta la vie à des milliers de combattants et à bien plus encore de démons. Les terres où se déroulèrent les affrontements sont restées à jamais marquées par l’épisode qui s’y est joué.
La région concernée est aujourd’hui connue sous le nom de Corne de Melfred. Il s’agit de la péninsule située à l’extrême nord-ouest du Septentrion. Les forêts y sont sombres et lugubres : le soleil ne perce jamais les nuages et encore moins la voûte d’aiguilles grisâtres constituée par les arbres. Cette région est considérée par tous – et à juste titre – comme maudite, et plus on s’en approche, plus la vie se fait rare. Seul un silence pesant accueille les voyageurs assez braves pour s’aventurer en ces terres, parfois entrecoupé par les hurlements plaintifs d’un vent sec et froid.
Cependant, malgré l’absence apparente de vie, il est en ces lieux des créatures perverses qui, de par leur essence surnaturelle, représentent un danger considérable pour les voyageurs. Ce ne sont ni le vent ni le silence qui font disparaître les hommes s’aventurant là-bas…
Si les légendes évoquant les morts-vivants font souvent état de cadavres animés par la volonté de quelque mage noir, ceux que les aventuriers imprudents sont susceptibles de rencontrer dans la Corne de Melfred sont d’une tout autre nature. Le spectre est une âme dont l’essence a été corrompue au moment de la mort. En particulier les combattants torturés par des puissances maléfiques, comme il y en eut des centaines lors des affrontements avec les Démons.
Si les rites mortuaires ont pour but de libérer l’âme de cet état de damnation, trop nombreux furent ceux dont le corps ne fut jamais ramené jusqu’à leur foyer, et dont l’esprit est resté prisonnier. Aujourd’hui, ce sont autant d’âmes en peine qui hantent la région, les derniers vestiges de leur conscience finalement brisés par les tourments qu’elles endurent et que l’éternité a rendu insupportables.
Le processus qui transforme une âme prisonnière en un spectre capable d’interagir avec son environnement est loin d’être immédiat, et c’est pourquoi la Corne de Melfred est restée une zone relativement sûre pendant des décennies après la fin du combat contre les Démons. Les théories expliquant ledit processus sont nombreuses, mais il en est une qui compte plus d’adeptes que les autres au sein des lettrés de toutes races. Celle-ci affirme que lorsqu’un homme est le jouet des arcanes démoniaques, son corps et son âme subissent des sévices tels qu’à la mort de l’homme, son âme est incapable de quitter son enveloppe charnelle à moins d’en être extraite lors d’une cérémonie religieuse. A ce moment-là, l’esprit possède encore les caractéristiques qui étaient les siennes de son vivant. Mais petit à petit, rendu fou par la douleur, cet esprit perd ses anciennes émotions au profit d’une haine viscérale contre tout ce qui vit. Cette haine est telle qu’elle donne aux âmes damnées une volonté suffisante pour réaliser l’impossible : franchir la barrière séparant les limbes immatérielles de notre monde.
Les spectres sont des créatures éthérées dont la présence sape la volonté. Leur contact est glacial, et certains prennent goût à affaiblir ainsi leurs victimes, attendant qu’elles tombent, transies de froid, pour les tuer de leurs griffes ou d’une arme ramassée les dieux seuls savent où. Les spectres sont de nature aussi maléfique que les créatures qui leur ont donné naissance. Lorsqu’ils tuent, ils se repaissent d’une partie de l’âme de leur proie, la condamnant au même état de damnation qu’eux-mêmes subissent.
Les Démons qui eurent le temps de prendre pied sur Ecridel ne purent faire demi-tour, le portail planaire qui les avait conduits ici ayant été fermé par les Primes Dragons. Si la grande majorité de ces créatures fut ensuite détruite, quelques-uns parvinrent à se cacher, abandonnant le combat pour pouvoir survivre.
Immortels, ils sont aujourd’hui éparpillés dans la Corne de Melfred, leur malfaisance réduite à l’attaque de voyageurs abandonnés. Conscients de leur situation, ils se font aussi discrets que possible. Les plus tapageurs ont de toute façon été exterminés depuis longtemps. Aujourd’hui, seuls restent les spécimens les plus faibles. Pour autant, ils ne sont pas une menace à prendre la légère : ces démons flamboyants ne pardonnent aucune imprudence…